Inspirations
Juste un petit mot
Retour de stage
L’ ambiance flotte encore autour de nous. Laissons la oeuvrer !
Pendant 4 jours, de belles histoires aux couleurs variées et de contes pour enfants désemparés, nous ont enveloppés.
Oui, ce fut un bain pénétrant, parfois d’un doigt délicatement posé ou un léger vent lâché, tout a contribué au mystère de la pratique.
Oui, ce fut un mélange d’essences, d’ effluves de réussites ou d’échecs, d’interrogations, de doutes, de révoltes et de colère qui se sont propagées telle une bibliothèque en sorte, un bouquet d’arômes, d’essences guérissantes, de poisons au goût délicieux et d’antidotes trop amères.
Le coffre fort largement rempli d’ émotions était à ouvrir.
C’est la richesse de vie d’un « monte en l’air » audacieux et coquin, par la joie de chercher et de ne point trouver.
C’est accepter de s’en revenir bredouille, car là réside le rassemblement des morceaux du miroir, éparpillés au confins de nous même.
Cherche et ne trouve point car il n’y a rien mais cherche encore car là réside l’allégresse.
Yusen
Par la grande présence, l’espace au dessus des arcs pétille.
La multitude des yeux semble en berne alors que les déplacements raclent les planches.
L’arc éclaire la route dans l’immense chemin de fleur et de bravoure. Alors que cette lumière invisible resplendit, le projecteur des exclusivités autolâtre prend toute la place.
Pourtant se tenir là sur ce vaisseau, source de feu sacré, est une faveur, une fortune un hasard bienveillant placé sur notre route menacée et incertaine.
La chance s’étire au delà de nos naissances et de nos trépas. Elle ajuste notre présent pour convertir notre avenir tant programmé d’inquiétudes et de chagrins. Elle dispose de notre passé pour en finir avec ces pénitences, boulets de détresse et de tourments.
Alors la flèche s’élance sur la ligne et détient là, un pouvoir par l’instant pur de toute convoitise.
Que l’on soit tordu, penché ou blessé, juste que notre cœur soit innocent comme l’est sa nature.
Que l’on soit libre ou captif, attaché ou condamné, juste que notre cœur soit bon comme l’est sa nature.
Que l’on soit fortuné ou démuni, triste ou joyeux, juste que notre cœur soit ouvert comme l’est sa nature.
Que l’on soit chanceux ou malencontreux, juste que notre cœur soit aimant comme l’est sa nature.
Yusen
Chance
Qu’est ce que la chance ?
Question que je posais jadis à mon professeur : Maître Sasaki.
Sa réponse jaillit « la chance, c’est de l’énergie ! »
Voilà une réponse qui me satisfit grandement, ayant justement choisi ce domaine dans mes pratiques.
Je cultiverai donc mon énergie, la faisant grandir sur les traces de mes professeurs.
Je m’efforcerai de garder le cap et je ne me soucierai plus de cette question.
Je laisserai faire le processus avec confiance.
Un autre professeur, maître Hikitsuchi, disserta un jour pendant un entrainement, de la chance.
Il nous parla avec conviction et énergie de cette fortune que nous avons,
celle d’être homme ou femme dans cette vie qui nous est offerte.
Il nous invita à l’honorer , à améliorer nos sensibilités, notre pratique, afin de découvrir la mission qui nous est promise,
car telle est la voie de l’Aiki. L’engagement qu’il déployait dans ses paroles, dans son corps
résonnent encore en moi et je revois toujours avec émotion, son visage, ses yeux, ses mains… Il s’étendit longuement sur le fait
que nous répondions à cette destinée éclairée auquel un animal ne pourrait jamais accéder.
Bien des années ont passé et observant mes entourages dans notre monde un peu cabossé,
il m’arrive de voir cette noble dame flottant au hasard sans pouvoir se poser là ou là.
Elle est une brume lumineuse et invisible, légèrement bleutée selon les circonstances.
Elle se remplit de teintes qui ont indéniablement un effet que je ne peux appréhender.
Je vais pourtant vous en parler sans trop m’immiscer dans ce monde délicat et pudique.
Je donnerai quelques pistes qui imprègnent nos études et d’où se dégage la divine Chance.
Ce qui nous vient de nos ancêtres, Père et Mère, possède son cortège de faveurs et de peines.
Une, qui semble indéniable, c’est la Vie qui nous fut accordée.
Maître Hikitsuchi le souligna longuement et nous invita avec force à la saisir sans tarder.
La Chance est une étoile, une humeur, une aubaine qu’il me semble judicieux à déceler quand elle vient vous côtoyer.
Il m’arrive de me désoler dans une immense tristesse quand je la vois filer ailleurs sans être accueillie par le ou la choisie.
Elle n’est point un monde matérialiste ni raisonné. La chance est douée d’une raison qui nous échappe et c’est heureusement bien ainsi.
Mais je peux au fil de mes observations deviner quelques éléments qui semblent concorder avec cet heureux évènement.
Nous ne parlerons que de cela car ce bel auspice englobe un vaste monde invisible.
Ce dont je voudrais soulever l’importance, c’est ce que nous allons faire ici et maintenant dans cette vie
et réaliser cette occasion unique de faire sien les outils de réussite qui nous sont offerts.
Poser l’attention sur notre corps, nos pensées, nos émotions, notre entourage et voir comment la Chance peut y trouver sa place.
Ne pourrions-nous pas y pénétrer, nous y engager plus et plus pour le bien de cette dame majestueuse.
Elle nous le rendra car telle est sa mission.
Ne pourrions pas en faire un chemin de vie ?
Les points proposés sont indéniablement des lieux de possibilités, de fortune et en les célébrant,
un sentiment de réussite pointe. Notre avenir programmé souffre de ce manque.
Car toucher la cible reste tellement illusoire autant que bouger dans la forme
et l’apparence laissant de côté nos sensibilités qui piaillent. Alors s’amoncellent les obstacles et le trésor reste inaccessible.
Notre corps est un réceptacle à la chance, il est un filon à la bonne fortune.
Alors quelle aubaine de déceler ces points, de les conforter, d’en découvrir les subtilités et leur pouvoir de confiance, d’élan.
Puis peu à peu, pénétrer dans leur capacité divine présente depuis toujours.
Vouloir gagner est un désastre, minimiser est un fléau, le compromis est une débâcle,
car l’emporter c’est plutôt accéder à soi même, capter c’est conquérir l’être.
Je peux assister régulièrement à de nombreuses faillites.
Vouloir vaincre est un fléau, spectacle dans lequel le monde se complait
et on s’ aligne ainsi sans déceler que dame Chance s’écarte de notre vie.
Alors je redouble d’efforts devant les ruinent qui s’empilent et s’entassent.
J’ose demander de l’aide devant les regards hagards.
Quand la chance visite, le visage s’éclaircit, les lèvres se relâchent, la sensibilité s’affine,
les rides s’estompent, n’est-ce point là une victoire éblouissante.
Quand la chance nous visite, on se sent étoilé et les gratitudes à l’orée de notre peau pétillent.
Et si la chance nous quitte, car c’est une grande voyageuse, elle a tant à faire, son passage reste ancré en nous.
Une vigilante présence dans nos hanches, nos poitrines à l’écoute, nos yeux… ah nos yeux….
et ainsi nos capacités peuvent se mettre au service de notre entourage pour éclairer les circonstances ardentes qui passent.
Alors, on peut découvrir que la chance ne peut nous quitter quelques soient les conjonctures,
car la vie est de nature chanceuse et incertaine,
à nous de reconnaître cet état avec les moyens que nos pratiques nous donnent.
Yusen
Inspiration du mois
Sasaki Sensei affirme dans ces textes que « l’entrainement en Aikido vise à développer des organes extrasensoriels, y compris des capacités télépathiques, et en ce sens, l’Aikido peut être considéré comme « un lieu de rite secret ouvert » En d’autres termes, l’Aikido est un lieu de rites secrets visant à développer des organes extrasensoriels appelés, « HIMOROGI IWASAKA ».
Le Himorogi désigne des arbres toujours verts érigés autour d’un lieu de culte pour créer un siège divin, et Iwasaka désigne un siège divin constitué de pierres. »
La vraie pratique de l‘arc nous amène à développer aussi le « Himorogi Iwasaka ».
Ainsi en pratiquant correctement ( ki hon ) on forme un corps harmonieux ouvrant la voie vers les niveaux supérieurs de la pratique spirituelle.
bernard
L'entraînement et la vie sont romantiques
【第2回】 稽古も人生もロマンで
Texte de Sasaki Takashi Senseï professeur de Bernard Bleyer
Les pratiquants d'aikido et d'arts martiaux peuvent être considérés comme des romantiques. Ceux qui s'entraînent dans ces disciplines ont chacun leurs objectifs et s'efforcent de les atteindre. Cependant, même lorsqu'ils s'en approchent, de nouveaux objectifs apparaissent, et même lorsqu'ils pensent être proches de leur but ultime, ils se rendent compte qu'ils ne peuvent jamais l'atteindre parfaitement. C'est en quelque sorte une tragédie, mais aussi une romance.
Les êtres humains sont destinés à mourir. Bien que nous ne puissions vivre éternellement, nous essayons de maîtriser notre voie le plus longtemps possible. La vie, elle aussi, peut être vue comme une tragédie, mais c'est aussi romantique.
L'entraînement aux arts martiaux ne comporte pas de compétitions. Contrairement aux sports, il n'y a pas de règles, donc une compétition signifierait risquer sa vie. Quand j'étais jeune, je m'entraînais seul tous les jours, couvert de poussière. Au collège et au lycée, j'ai tenté de progresser en saut en hauteur, m'entraînant dur avec mes propres idées pour améliorer mes performances. J'ai fini par représenter ma région au tournoi du Tohoku[1] et participer à la compétition nationale.
Cependant, cette expérience a changé ma perception. Dans toute compétition, il y a toujours un gagnant et un perdant. Bien que gagner soit important pour les participants, d'un point de vue global, les victoires et les classements sont relatifs et temporaires, n'ayant pas une grande signification. Cela se résume à quelqu'un qui gagne et devient premier, deuxième ou troisième.
Par la suite, j'ai cherché quelque chose que je pourrais pratiquer toute ma vie. C'est alors que j'ai découvert l'aikido.
Dans les arts martiaux, il est naturel de vouloir connaître son niveau. Mais sans compétitions, il n'est pas possible de classer les pratiquants comme dans les sports. On peut seulement s'imaginer ou laisser les autres imaginer son niveau. Cependant, en touchant la main ou le corps de l'adversaire, ou pour les maîtres et experts, simplement en le regardant, on peut évaluer le niveau de la personne. Par conséquent, il n'y a pas besoin de compétition.
Pour progresser dans les arts martiaux, il faut s'entraîner et pratiquer. Cependant, bien que cela soit une condition nécessaire, cela ne garantit pas de progresser. Par exemple, pratiquer incorrectement peut entraîner une régression. Même en s'entraînant intensément, les progrès sont souvent minimes. Contrairement aux mangas ou aux films, où l'on observe des progrès soudains et spectaculaires, les progrès en arts martiaux nécessitent des années, voire des décennies d'efforts. Même après des décennies, les progrès peuvent être comparés à l'épaisseur d'une feuille de papier.
Le niveau de progression dépend des talents, des efforts, de la chance et de la fixation d'objectifs. On s'entraîne en visant un certain objectif. Parfois, un nouvel objectif apparaîtra, ou on se sentira éloigné de son objectif, mais il est important de continuer à avancer, même lentement. Il est possible de s'approcher indéfiniment de l'objectif, mais malheureusement, on ne l'atteindra jamais complètement. Les maîtres et experts sont souvent les plus forts juste avant leur mort, c'est pour cette raison.
Quand on se compare aux autres ou qu'on est en compétition, le romantisme disparaît. Le romantisme ne peut être poursuivi que dans la lutte contre soi-même. Si l'on cherche à vaincre un adversaire, la victoire devient l'objectif principal, et on peut être tenté de tricher ou d'enfreindre les règles. De plus, la force physique, la puissance ou l'argent peuvent influencer les résultats, exposant ainsi les aspects sombres de la civilisation matérielle. Dans les sports, on peut admirer des exploits techniques, mais ceux-ci ne sont réalisables que pendant la jeunesse et la force physique. Il semble artificiel et vide de penser qu'on pourrait continuer ces exploits jusqu'à 80 ou 90 ans. Voir des personnes âgées en Chine pratiquer les arts martiaux traditionnels me donne envie de continuer jusqu'à 80 ou 90 ans.
Dans la lutte contre soi-même, il n'y a pas de place pour le mensonge ou la tromperie. Seuls les efforts comptent. La joie de réussir quelque chose qu'on n'avait jamais pu faire avant, ou de comprendre ce qu'on n'avait jamais compris, est incomparable. La vie offre une infinité de choses à apprendre et à faire. Même si accomplir toutes ces choses est impossible en une vie, les explorer est une source de plaisir. D'où venons-nous, où allons-nous ? Je voudrais au moins découvrir cela. L'on ne peut tout accomplir ni maîtriser parfaitement une seule chose, mais je veux vivre dans le romantisme de m'en approcher pas à pas.
Sasaki Takashi
[1] Cette région couvre le nord-est de l'île de Honshū, l'île principale du Japon.
Traduit du japonais par Pablo Jaulin, avec l'aide d'outils numériques
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