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Oui, l’art m’intéresse beaucoup, mais la vérité m’intéresse infiniment plus….

Plus je travaille, plus je vois autrement, c'est-à-dire tout grandit jour par jour, au fond, cela devient de plus en plus inconnu, de plus en plus beau…L’apparition parfois, je crois que je vais l’attraper, et puis, je la reperds, et il faut recommencer…Alors c’est ça qui me fait courir.

J’avance tous les jours. Et de plus en plus, je pense que je n’avance pas tous les jours mais que j’avance exactement toutes les heures. C’est ça qui me fait trotter de plus en plus, c’est pour ça que je travaille plus que jamais. Je suis certain de faire ce que je n’ai jamais fait encore et qui va rendre périmé ce que j’ai fait en sculpture jusqu’à hier soir et jusqu’à ce matin. J’ai travaillé à cette sculpture jusqu’à huit heures ce matin, je travaille maintenant ; même si ce n’est encore rien du tout, pour moi elle est avancée sur ce qu’elle était, et une fois pour toutes. Ca ne revient jamais en arrière, plus jamais je ne ferai ce que j’ai fait hier soir.

C’est la longue marche.

Alors tout devient une espèce de délire exaltant pour moi.

Exactement comme l’aventure la plus extraordinaire : je partirais sur un bateau dans des pays jamais vus et rencontrerais des îles et des habitants de plus en plus inattendus, que cela me ferait exactement cet effet là. Cette aventure, je la vis bel et bien. Alors qu’il y ait un résultat ou non, qu’est ce que vous voulez que ça me fasse ? Qu’à l’exposition il y ait des choses réussies ou ratées, ça m’est indifférent.

Entretien de Alberto Giacometti avec Pierre Schneider