Mot du jour de Sasaki Senseï

Ne pas pousser, ne pas tirer

押さない、弾かない

Ne pas pousser, ne pas tirer

Dans l’aïkidô, c’est en vis-à-vis que l’on pratique la technique. Certes, c’est un type d’entraînement tout à fait merveilleux mené avec impartialité en alternant la position de celui qui applique la technique avec celle de celui qui la reçoit, mais il arrive qu’une envie irrépressible de projeter le partenaire fasse oublier l’essentiel, ce qui constitue, à mon avis, un véritable point aveugle.

Quand on agit dans l’intention de projeter ou immobiliser son partenaire, ce dernier le ressentira avec toute sa sensibilité. Et ce ne sera pas un sentiment agréable. Parce que la force utilisée est alors une force pour pousser, une force pour tirer et, à vrai dire, une force de combat.

Pourquoi, quand on le pousse ou le tire, le partenaire qui reçoit la technique en conçoit-il un sentiment qui n’est pas agréable ? La raison en est sans doute évidente. Comme, dans l’aïkidô, il s’agit de faire l’apprentissage de la force gravitationnelle et de fusionner avec son partenaire, si on se met à le pousser ou à le tirer, loin de fusionner avec lui, on ne manquera pas de rester toujours deux. Et lorsqu’on est deux, comme l’autre ne peut devenir son alter-ego, non seulement on ne pourra pas le dominer, mais il en viendra parfois à résister : cela devient alors un combat, ce n’est plus de l’aïkidô.

Si, en appliquant une technique avec les mains, on finit par pousser ou tirer son partenaire, c’est qu’on aura fait bouger inconsidérément ses mains qui sont en contact avec lui. Inconsidérément, c’est-à-dire que :

○ mains et bassin ne sont pas reliés

○ la liaison entre les mains et le bassin est coupée

○ les membres inférieurs (ashi) restent complètement immobiles et seules bougent les mains

○ le déplacement du centre de gravité entre les jambes gauche et droite ne se fait plus

○ on utilise une main en faisant porter le centre de gravité sur la jambe opposée

○ on laisse filer le point d’appui avec le partenaire, que ce soient les mains ou toute autre partie du corps

○ on n’utilise seulement qu’une de ses mains

○ bien que ce soit le moment de reprendre son souffle (inspirer), on expire

...et cetera, et cetera.

Pour éviter de pousser ou tirer son partenaire, il suffira de ne pas tomber dans les défauts rappelés ci-dessus, mais il reste encore une chose essentielle. À savoir qu’il faut passer de l’entraînement aux formes fondamentales à un entraînement portant sur la technique elle-même (waza). Car, dans les limites d’un entraînement aux formes fondamentales, on devra nécessairement compter sur sa force (force physique), et on finira toujours par pousser ou tirer.

Si l’on entre dans un entraînement qui porte sur la technique, le partenaire ne sera plus un ennemi, il ne fera plus qu’un avec soi et deviendra un alter-ego de soi-même. Et, par voie de conséquence, il n’y aura plus aucune nécessité de le pousser ou de le tirer.

SASAKI  Senseï

Traduction d’Yves-Marie Allioux