Arrière
Arrière
Dès lors qu’un homme rencontre le vent, il devient pirate ou brigand, mais de cette race aussi tendre qu’implacable, aussi fragile que pointue, aussi déraisonnable qu’avisée. Confronté aux extrêmes, il s’y risque, n’ayant plus le choix. Le goût de ce bon génie, brise attendrissante ou bourrasque maladroite, le porte inexorablement dans des contrées captivantes et inconnues.
Enfant niais, l’hérétique d’un temps se nourrit de nature, d’intelligence et de mystères.
Ses rencontres prennent un goût inédit et ce qu’il exécrait autrefois, s’annonce par des couleurs étincelantes et attachantes.
Dans ce début d’ après midi de juillet, la touffeur d’un ciel déjà blanc légèrement bleuté, descendait doucement des hauteurs sans encore envahir les ombres gardiennes des magies.
Je m’assoie pudiquement sous la masse des charmantes petites feuilles triangulaires. Quatre troncs massifs, imposants se sont réunis dans une étreinte qui semble d’un autre temps. Les ramures voisines, se mélangent et les feuilles plus sombres, vernissées font ressortir celles des érables. Ces deux seigneurs siègent fraternels, complices et intimes.
Je côtoie ce lieu régulièrement, mais d’habitude de l’autre côté, du bas là où la roche bleutée m’accapare. Sur cette hauteur, ce derrière, empreint d’une féminité que j’ai ignorée, réside un monde plus tendre, plus intime. En bas, la grande pierre désormais toute solaire trône sous un laurier impérial, lui aussi émissaire de lumière. Quelques-uns viennent, semblant s’y recueillir un très court instant et un rocher compréhensif sourit de la frivole intention.
Là, dans cet arrière, sans le mot, je demeurai...
L’ombre semble délicate et précieuse. Cette asile englobe un rien, un inutile de grâce. Je m’y suis coulé, abandonné, réfugié...
Une immense tranquillité parfume l’ espace, aucun centre, aucune périphérie, tout y est complet, banal, neutre, ardemment objectif.
Un trait de lumière se glisse, là ou là comme le doigt d’une main secrète caressant l’invisible. Un tressaillement soudain passe, agite quelques feuilles, faisant l’effet du tremblement d’une paupière sans oeil. Puis la saillie soudaine disparait, s’évapore. Seule sa trace dans ma chair vibre encore quelques brefs instants.
De temps à autre un oiseau plonge dans le feuillage, disparait, familier du lieu, il observe ma présence incongrue sans que un seul instant je puisse deviner où il peut être. Je tente de faire disparaître tout ce qui agite mes sensations, mes pensées, voyant bien vite que c’est là dans cette tentative présomptueuse, réussie, aboutie ou pas, que réside ma séparation. Je ne peux voler et oiseau devenir, je ne peux bois d’arbre me tenir, mais je peux laisser faire, abolir à tout jamais le contrôle arrogant.
Je me tins ainsi, observer sans rien débusquer, sentir sans rien appréhender. L’instant devint d’une grande douceur et je me retrouvai debout sans avoir à me lever, comme un mouvement issu d’une vague indéfinissable.
Yusen
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